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22 mars 2025

La recette d’une bonne formation : un peu de théorie et beaucoup de pratique avec feedback

Je vois deux types de formation qui pour moi ne sont pas des vraies formations et qui me surprennent toujours un peu beaucoup :

  1. Des formations sans pratique (ou avec très peu de pratique),
  2. Des formations avec de la pratique, mais sans feedback.

Dans les deux cas, les formations sont souvent appréciées, mais pour moi ce ne sont pas de bonnes formations 😬. Je vous explique pourquoi !

L’apprentissage par essai-erreur

L’apprentissage par essai-erreur ou conditionnement opérant dans la famille des apprentissages associatifs pour faire savant est une des premières modélisations de l’apprentissage. Pour faire simple, on peut le résumer par :

  1. On fait quelque chose,
  2. Ça a des conséquences,
  3. On apprend de ces conséquences.

Ce modèle permet d’expliquer comment on éduque les animaux, mais pas que. Il décrit en fait quelque chose d’assez profond dans le fonctionnement de notre cerveau qui a été ensuite retrouvé par les neurobiologistes. Notre cerveau s’adapte, modifie ses connexions entre neurones, en fonction des conséquences de nos actions.

En formation, ça se traduit par :

Dans une formation, il faut donner l'occasion de pratiquer, et de recevoir du feedback de qualité.

Le rôle des explications et des informations

Évidemment, on n’explique pas tous les apprentissages par les modèles comportementaux de l’apprentissage. Un contre-exemple est que l’on peut aussi modifier ses modèles mentaux, créer des liens entre des évènements ou des concepts. C’est ce qui fait qu’on enseigne avec des humains en leur expliquant des choses, en faisant du cours descendant.

Une formation doit aussi contenir des moments de transmission d’information. Mais je ne me souviens pas avoir observé (ou participé) à une formation pour professionnels où il n’y avait aucune transmission d’information 🤔.

Reconnaître les vraies formations

On confond souvent les dispositifs d’information avec de vraies formations. Ainsi :

  • Une conférence d’une heure sur les mobilités douces n’est pas une formation.
  • Une vidéo rigolotte qui explique les violences sexuelles et sexistes n’est pas une formation.
  • Un tuto sur Youtube de comment démonter ma machine à laver n’est pas une formation.
  • Et un cours en ligne avec des vidéos de type MOOC super pédagogiques n’est pas non plus une formation.

Pour qu’on puisse parler de formation, il faut qu’il y ait du contenu, mais aussi de la pratique, et du feedback.

Des apports des autres courants de recherche qui ont étudié l’apprentissage

L’apport du courant cognitiviste dans les recherches sur l’apprentissage a été de montrer le rôle et l’importance des modèles mentaux. Les constructivistes ont ensuite montré que ces modèles mentaux ne s’enregistrent pas dans nos cerveau comme des programmes d’ordinateurs qu’on téléchargerait en écoutant le prof. Il s’agit plutôt d’un processus où l’apprenant reconfigure activement son cerveau. Enfin, les neurosciences ont montré qu’on pouvait expliquer le modèle comportementaliste de l’apprentissage en utilisant l’analogie de chemins que l’on crée dans son cerveau comme dans une jungle. Plus on emprunte un chemin mental (c’est-à-dire plus on réalise un geste, une procédure ou un raisonnement), plus ce chemin sera facile à emprunter. Et ce sont les conséquences de nos actions qui vont nous faire ajuster le chemin.

La modification des modèles mentaux ne sera effective qu’à partir du moment où ils auront été utilisés pour faire de nouvelles choses. Et le cerveau saura qu’il a fait les bonnes modifications parce qu’il recevra un feedback positif.

Ainsi, pour qu’une formation garantisse les conditions nécessaires aux apprentissages, il faut donc deux conditions. Il faut que la formation contienne :

  1. Du contenu,
  2. de la pratique
  3. et des feedbacks (de qualité) sur cette pratique.

équation avec marqué formation = une icone d'un écran avec un chapeau d'étudiant + une icones de mains qui jouent + une icone d'un pouce avec une bulle qui parle

Des « formations » sans pratique

Le cas que je rencontre le plus fréquemment est celui des formations avec peu de pratique. Ce sont des formations par exemple en présentiel sur deux jours avec :

  • Présentation d’un cas pratique résolu par le formateur
  • Apports théoriques avec quelques questions réponses
  • Discussion collective sur ce qu’il est possible de faire avec ce qu’on vient de voir
  • Petit quiz final pour vérifier ce qui a été retenu (et surtout que les personnes ont été attentives).

Ces formations sont parfois bien notées des apprenant·es. C’est le cas quand le formateur ou la formatrice est très savant·e, charismatique et que tout était bien amené. Pour autant, il est très probable que la majorité des participant·es ne changeront rien, ou presque, à leur pratique après ces formations.

D’ailleurs, la règle au doigt mouillé c’est  :

Dans une formation efficace, il y a environ 1/3 de théorie et 2/3 de pratique.

Ce que j’observe le plus souvent, c’est l’inverse : environ 2/3 de théorie pour 1/3 de pratique. Je recommande donc de viser dans un premier temps un équilibre « 50/50 », avec moitié pratique, moitié théorie. C’est une étape qui permet déjà d’améliorer énormément les formations 😉.

Des « formations » avec de la pratique, mais sans feedback

J’observe parfois, mais plus rarement, des formations avec de la pratique mais sans feedback. Voici deux exemples :

1. La co-construction de ressources

Je me rappelle par exemple d’une « formation » d’enseignant·es sur l’interdisciplinarité (je ne suis plus sure du sujet) dont le programme était :

  • Présentation du concept
  • Quelques exemples de mise en œuvre inspirants
  • Travail en groupe pour produire des séquences pédagogiques mettant en œuvre de l’interdisciplinarité.

À la fin de la formation, les séquences pédagogiques étaient mises en commun, et ainsi le groupe repartait avec plein de ressources pour faire cours. Pour moi, ce dispositif n’est pas une formation mais un groupe de co-construction de ressources. Ça ne veut pas dire qu’on y apprend rien, mais on n’est absolument pas sur de ce qui va être appris cf paragraphe « oui, mais ! » un peu plus bas.

2. La pratique entre pairs

J’ai suivi une autre formation sur l’entretien d’explicitation dont le programme était un peu différent :

  • Apports théoriques sur l’entretien d’explicitation
  • Exercices en trinôme avec une personne qui mène l’entretien, une personne qui répond, et une personne qui observe et qui fera un feedback.

Là, il y avait de la pratique — Check ✅ — et on pourrait croire qu’on remplit la condition du feedback. C’est pour ça que j’ajoute que le feedback reçu doit être de qualité. Dans ce genre de conditions, le feedback est fourni par des personnes qui sont en train d’apprendre et qui donc ne sont pas encore des expertes de ce qui est enseigné. Ces personnes peuvent passer à côté de ce qui compte vraiment. Elles peuvent aussi donner un conseil basé davantage sur leurs connaissances / croyances préalables que sur ce qui est vu en formation.

Ainsi, en réalité, les conditions n’étaient pas réunies pour pouvoir parler de mon point de vue d’une réelle formation, en tous cas pour des débutant·s.

Le QCM : un outil simple pour ajouter de la pratique et du feedback

Dans une formation qui a peu de pratique, une manière simple de rajouter de la pratique et du feedback, c’est d’utiliser des QCM. Ces questions permettent alors de faire réfléchir tous les stagiaires, de proposer une solution, et de recevoir un feedback de qualité. Je conseille ainsi de chercher les 2 ou 3 concepts fondamentaux de votre apport, et de construire des questions qui en testent sa compréhension. J’avais écrit d’ailleurs tout un article à ce sujet !

Oui… mais !

Mais certain·es ont appris quelque chose

Souvent, quand je critique une formation qui n’en est pas vraiment une, on m’oppose le fait qu’un·e participant·e y a appris quelque chose.

En fait, c’est rare qu’on vive une expérience de deux jours et qu’on en ressorte avec absolument rien de changé dans notre tête. On peut avoir appris que vraiment, les groupes d’entrepreneurs ce n’est pas un milieu dans lequel on se sent bien. Ou bien une liste de ressources qu’on ira voir plus tard. Ou bien une notion nous semble plus claire avant.

Mais une formation bien conduite doit assurer davantage. Elle doit assurer que chaque participant·e pratique certains savoir-faire jusqu’à en avoir une certaine maîtrise. Elle doit permettre de s’assurer que la majorité des participant·es feront un certain nombre de choses différemment après la formation par rapport à ce qu’ils et elles faisaient avant la formation.

Mais c’était juste une introduction

Une autre objection fréquente consiste à dire que la formation observée n’était qu’une introduction. Pour moi, c’est un aveu qu’on n’avait pas l’objectif de faire une formation qui transforme la pratique des gens. Ce n’est donc pas une formation. Souvent, d’ailleurs, ce sont des dispositifs dans lesquels on parle d’un peu de tout et à la fin, on a appris à peu près rien si ce n’est du vocabulaire qu’on utilise d’ailleurs peut être à mauvais escient.

De mon point de vue, une formation introductive doit développer un ou plusieurs savoir-faire de plus bas niveau qui seront nécessaires pour ensuite suivre les niveaux suivants.

  • Dans une formation introductive à un logiciel de dessin, je veux être capable de produire un dessin avec les outils de base.
  • Dans une formation introductive à un type d’entretien utilisé dans le conseil, je veux par exemple posséder certains savoir-faire d’écoute active. Ou juste être capable de faire la différence entre un reflet jugeant et un reflet qui ne l’est pas.

Bref, pour moi dire « c’était une introduction » n’est pas une excuse pour ne pas suivre les 3 critères d’une formation : contenu, pratique et feedback 😈.

Contenu, pratique et feedback

En conclusion, une bonne formation contient 3 ingrédients :

  1. Des apports théoriques (ou explications) pour environ 1/3 du temps de formation.
  2. Du temps de pratique pour environ 2/3 du temps de formation.
  3. Des feedbacks de qualité, prodigués par un·e formateurice ou un·e expert·e.