Avec cet article, je continue la série sur les mythes en formation. Vous pouvez retrouver le premier épisode ici : la pyramide des apprentissages. Passons donc maintenant aux “learning styles”, en français : les styles d’apprentissage.
Les styles d’apprentissage sont un mythe
Et pourtant on les retrouve souvent en formation de formateurs 😱. Comme je n’aime pas juste dire “c’est nul”, voici un programme un peu plus complet. Dans cet article, je réponds aux questions :
- C’est quoi les “styles d’apprentissage” ?
- Pourquoi c’est faux ?
- Qu’est-ce qui fait qu’on a envie d’y croire ?
- En quoi c’est un problème ?
- Qu’est-ce qui marche vraiment ?
1. C’est quoi les styles d’apprentissages ?
Selon cette théorie, nous aurions chacun·e un style préféré d’apprentissage.
C’est-à-dire que :
- Certains apprendraient mieux visuellement 👀,
- d’autres en écoutant (Auditifs) 👂,
- d’autres encore en manipulant des objets (Kinesthésiques) 👋.
Mais il existe en fait de nombreuses autres théories du même style. Si la question vous intéresse, je vous conseille de creuser avec l’article très complet de Marie Gaussel.
2. Pourquoi c’est faux ?
Voici une vidéo super chouette qui explique pourquoi cette croyance est un mythe :
En effet, comme le montrent les nombreuses études citées sur le blog de Marie Gaussel, ou dans toutes les méta-analyses que vous pouvez trouver, les styles d’apprentissage : ça ne marche pas !
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs mènent des expériences dont la méthodologie est en général la suivante (voir par exemple l’article de Massa et Moreno) :
- Faire passer un test aux personnes pour connaître leur style d’apprentissage préféré
- Enseigner la même chose à chaque personne en suivant son style d’apprentissage préféré
- Mesurer ce qui a été appris lors d’un test final.
Pour autant, ce qui est aussi montré, c’est que l’on gagne TOUTES et TOUS à apprendre d’un·e enseignant·e qui utilise des illustrations, qui nous explique des choses à l’oral et qui nous fait manipuler des objets !
3. Pourquoi on a envie d’y croire quand même ?
Les recherches en didactique montrent que nos croyances fausses ne sont pas juste le fruit de notre naïveté ou de notre bêtise. Ces croyances nous sont utiles car elles nous permettent d’expliquer simplement des évènements de notre quotidien.
Voici un exemple pour mieux comprendre :
Julien est enseignant de handball 🤾♂️. Il explique à ses élèves comment on doit armer le bras pour faire un tir ou une passe et il leur demande d'essayer. Il se rend compte que seuls 3 ou 4 de ses élèves y arrivent 😞. Il montre alors comment réaliser le tir en le faisant devant eux plusieurs fois. Lorsqu'il leur demande d'essayer en se faisant des passes, les progrès sont très visibles ! 🥳 C'est pour lui la preuve que certains élèves sont plutôt auditifs alors que les autres seraient plutôt visuels.
Cette anecdote peut s’expliquer différemment.
Les quelques élèves qui y arrivent du premier coup connaissaient peut-être déjà ce geste. Ou bien ils avaient déjà bien observé comment faisaient les pro et ont donc été capables de se construire une représentation mentale de la situation pendant les explications de Julien, leur enseignant.
Il est en effet habituel de constater des différences d’apprentissage entre les élèves ou entre les stagiaires d’une formation. Mais la plupart du temps, ces différences sont dues à ce que ces personnes savent déjà au moment de la formation.
🔆 Les connaissances antérieures sont le plus grand prédicteur des apprentissages qui vont être réalisés lors d’une formation ou d’un cours.
4. Pourquoi c’est un problème ?
Le premier point, c’est que ça n’est pas toujours un problème.
✅ Julien, notre enseignant de hand, pourrait ainsi décider de toujours faire une démonstration de ce qu’il demande à ses élèves. Dans ce cas là, tous ses élèves vont profiter de cet ajout 😎. La démonstration confortera celles et ceux qui savaient déjà et aidera tous les autres.
❌ C’est par contre un problème lorsque les enseignant·es utilisent une partie de leur temps et de leur énergie pour construire des ressources personnalisées pour chaque élève sur la base de ses prétendues préférences d’apprentissage 😥. Les recherches ont montré que ces ressources personnalisées peuvent même être moins efficaces 😭.
Et surtout, le temps et l’énergie n’est pas mis à profit pour faire ce qui marche vraiment.
5. Ce qui marche vraiment
Il y a par exemple deux stratégies qui sont plus efficaces :
- Adapter la présentation de la formation au type de contenu à enseigner. En effet, on n’enseigne pas de la même manière des faits, des lois, une méthode ou bien une attitude à adopter.
- Adapter l’enseignement aux connaissances antérieures de l’élève en donnant des activités préparatoires par exemple, ou en proposant une version plus difficile de l’exercice à réaliser.
Et si vous voulez poursuivre la lecture sur les mythes en pédagogie, je vous conseille l’article sur la pyramide des apprentissages !